Le tunnel de Berlin-Wedding
mur de Berlin
tunnel sous le mur de Berlin
evacion par un tunnel sous le mur de Berlin
On travaille tout l'été. Pour les quinze derniers mètres, il ne faudra pas moins de quatorze jours. Tout à coup les pioches sonnent creux. Sont-ils parvenus jusqu'à la cave repérée sur les plans ? Non. Une odeur repoussante leur démontre qu'ils se sont égarés. Ils viennent de déboucher dans une fosse d'aisance ! Heureusement elle est vide. Ils reprennent leur progression souterraine jusqu'à l'endroit fixé. Ils touchent au but. Enfin !
Le lendemain 3 octobre, à 18 heures, la grande évasion commence. On a expédié aux candidats au passage clandestin des télégrammes convenus, du type : « Noces d'argent belle-mère aujourd'hui ou demain. » L'un après l'autre, les volontaires se présentent. On les guide jusqu'à l'entrée du tunnel. Le samedi jusqu'à minuit, vingt-huit personnes s'enfoncent sous la terre. Le dimanche soir, vingt-neuf autres — hommes, femmes, enfants. Le lundi soir à minuit on attend encore une famille. Ce sont des agents du SSD qui se présentent. Ils se ruent vers le souterrain. Un étudiant armé lève son pistolet, tire un coup de semonce. Les policiers de l'Est répliquent. L'étudiant touche un sous-officier des gardes-frontière, Egon Schultz, âgé de vingt-trois ans. Il ne survivra pas.
Egon Schultz est lui aussi une victime du Mur

Première étape de ce travail de titan : creuser un puits dans la cave jusqu'à une profondeur de 14 mètres. A 12 mètres, ils trouvent de l'eau. Le puits menace de s'effondrer. Pour l'étayer, ils arrachent des poutres au plancher et au plafond de leur appartement, scient les lames du parquet, se servent de portes débitées en morceaux. Ils parviennent à coffrer la terre et colmater le fond. Alors seulement, ils peuvent entamer leur galerie latérale. A mesure qu'ils s'enfoncent, l'air manque de plus en plus. Il faut installer un système d'aération.
Parmi les quarante étudiants qui travaillent au projet se trouve une jeune femme. Elle ne creuse pas la terre, mais va jouer, dans la réussite du projet, un rôle essentiel. En permanence, des policiers de l'Est munis de longues-vues surveillent les immeubles de l'Ouest qui jouxtent le Mur. Les allées et venues des passeurs —forcément nombreuses — peuvent attirer l'attention. Chacun va donc gagner l'appartement loué — ou en sortir — au bras de la même jeune personne court vêtue, fort maquillée et cigarette aux lèvres. Les gens de l'Est n'éprouveront aucun doute : cette jolie femme exerce le plus vieux métier du monde et la fréquence de ses « passes » témoigne d'une remarquable expérience professionnelle.

Des étudiants de Berlin-Ouest — certains arrivés depuis peu de l'Est — sont demeurés en relation avec des camarades d'au-delà du Mur. Comment les faire passer ? La tactique adoptée se révèle d'une folle audace. Ils louent un appartement, 97, Bernauerstrasse, au rez-de-chaussée, juste en face du Mur. En tant que locataires, ils prennent possession de la cave qui leur a été attribuée. Elle se trouve à côté de celle d'une boulangerie désaffectée : promesse de tranquillité. Le dessein des étudiants est de creuser, en partant de cette cave, un tunnel de 150 mètres de long, sous le Mur. Ils savent déjà où ils doivent déboucher : dans une autre cave à l'Est, 55, Strelitzerstrasse.

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